Encyclique "Populorum
progressio"
Présentation faite par l'aumônier diocésain à
l'assemblée diocésaine du 18 novembre 2006.
à l'occasion des quarante ans de l'encyclique
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Populorum
Progressio est un des textes majeurs publiés par Paul VI dans les
années qui ont suivi le Concile Vatican II. On y retrouve, développées,
les intuitions et les projets qui étaient en germe dans Gaudium
et Spes et dans l’encyclique de Jean XXIII Mater
et Magistra.
En lisant ce texte avec quarante ans de recul, on
ne peut qu’être frappé par son souffle. Certaines des expressions de
Paul VI frappent juste : l’Eglise, « experte en humanité » ;
« Le développement, nouveau nom de la paix »…
On a dit également qu’il s’agissait d’un texte
optimiste, peut-être à l’excès. Personnellement, je ne le pense pas :
autant les déclarations de Vatican II avaient pu être marquées par
l’extraordinaire climat de liberté et de confiance qui a régné
durant les travaux du Concile, autant le tableau de l’humanité que
dresse Paul VI n’est pas rose. Il vaut mieux parler de « prophétisme »
que d’optimisme : on peut dire que Paul VI avait vu étrangement
juste sur l’avenir des relations internationales, et que la situation
n’a guère changé sur bien des points, même s’il a pu y avoir en
de nombreux endroits des améliorations. Certains des progrès accomplis
depuis, il faut le noter, sont en cohérence avec les propositions
faites par Paul VI ; une des caractéristiques de Populorum
Progressio est en effet son caractère très concret : elle
contient des pistes pour un véritable programme d’aide au développement.
Cette présentation comportera trois points :
-
Un texte qui se situe dans l’élan de Vatican II
-
Un texte prophétique, mais pas idéaliste
-
Une force de propositions.
I – Un texte qui s’insère
dans une tradition
1 – La
tradition biblique
L’encyclique contient 15 citations de la Bible,
essentiellement le Nouveau Testament. Il fait un abondant usage de
l’enseignement de Jésus et des paraboles, en les resituant dans un
contexte nouveau : celui des relations internationales (voir par
exemple le commentaire de la parabole du riche et du pauvre Lazare :
Lc 16,19, n° 47).
2 –
L’enseignement social de l’Eglise depuis Léon XIII
Plus encore que de l’Ecriture, c’est de
l’enseignement social de l’Eglise, en particulier depuis Léon XIII,
que se réclame directement Paul VI.
On retrouve tous les grands thèmes de cet enseignement :
-
la destination universelle des biens : le droit de propriété
doit être respecté, mais il est tempéré par le principe que
l’homme n’a que la jouissance des biens qui lui sont confiés, et
que ces biens sont destinés à l’ensemble de l’humanité et non à
l’usage de quelques-uns seulement.
-
Condamnation du libéralisme : « un certain
capitalisme a été la source de trop de souffrances, d’injustices et
de luttes fratricides » (n° 26)
-
Ambivalence du travail : le travail est à la fois coopération
de l’homme à l’œuvre créatrice de Dieu, lieu d’épanouissement
personnel, et lieu d’aliénation.
-
Prise de position pour des politiques réformistes et non révolutionnaires
-
Centralité de l’homme dans toute la vie économique et sociale :
« tout l’homme, et tout homme » ; « économie
et technique n’ont de sens que par l’homme qu’elles doivent servir »
(n° 34). De là vient l’idée que le social doit nécessairement
aller de pair avec l’économique dans les politiques internationales.
On va donc promouvoir les politiques d’éducation et d’alphabétisation,
mettre en avant l’importance de la famille, rappeler le souci d’une
maîtrise de la démographie dans le respect du droit de chacun à la
procréation (une position équilibrée, qu’il ne faut pas oublier
pour interpréter les documents romains sur la régulation des
naissances).
3 –
L’influence des penseurs du christianisme social
Les notes citent explicitement des penseurs français
de la première moitié du XX° siècle : le P. Lebret, MD Chenu, J
Maritain, H de Lubac. L’encyclique est redevable en particulier aux
travaux du Père Lebret, dominicain, qui en a été l’un des
principaux inspirateurs.
II – Un texte
prophétique
1 – Une réflexion
renouvelée
Ce qui fait de Populorum
Progressio un texte prophétique est d’abord son angle d’attaque :
« La question sociale est devenue mondiale » ; Paul VI
se veut « l’avocat des peuples pauvres ». Avec cette
encyclique, la réflexion de l’Eglise sur les questions sociales passe
à une nouvelle étape. On a même pu voir dans ce texte l’une des
toutes premières réflexions d’ensemble sur la mondialisation et ses
effets.
2
– Une analyse lucide de la situation
Encore une fois, il faut le dire : cette analyse
est lucide, elle n’a rien d’optimiste. Relevons-en quelques éléments :
-
Dénonciation de l’égoïsme des pays du Nord (dont l’idéal
est d’« avoir plus pour être plus »)
-
Réflexion sur les séquelles du colonialisme : il y a peut-être
eu du positif dans l’épopée coloniale, mais les structures laissées
par les puissances européennes après la décolonisation sont
notoirement insuffisantes pour assurer le développement des nouvelles
nations. D’autre part, la colonisation a souvent été synonyme de
destruction des cultures locales.
-
Dénonciation des déséquilibres croissants entre pays développés
et pays émergents : « els uns ont faim, les autres ont trop »
(n° 8)
-
Mondialisation des conflits sociaux, qui va de pair avec la
distribution internationale du travail
-
Le § 10 parle même d’un « choc des civilisations » :
non pas au sens de l’ouvrage récent sur ce sujet, mais pour relever
la destruction des structures traditionnelles opérées par les nouveautés
de la civilisation industrielle lorsqu’elle entre en contact avec les
cultures traditionnelles.
Quand on lit ce texte, on ne peut que remarquer à quel
point la situation d’aujourd’hui s’est dégradée en bien des
endroits ; les questions posées restent les mêmes, les problèmes
se sont amplifiés !
III – Une mine
de propositions concrètes
La dernière partie de l’encyclique constitue un véritable
programme, en trois points : solidarité, justice et charité.
1 – Le devoir
de solidarité : l’assistance des pays faibles par les plus
riches
Sont proposés pêle-mêle les points suivants :
lutte contre la faim, proposition d’augmenter les impôts pour assurer
la solidarité internationale, payer les produits importés à leur
juste prix, encourager les départs en coopération, partager les
richesses, matérielles bien sûr mais aussi intellectuelles, donner aux
pays pauvres le superflu des pays riches, créer un fonds mondial
d’aide aux plus déshérités, revoir à la baisse la dette des pays
les plus pauvres.
2 – Le devoir
de justice : l’équité dans les relations commerciales
Le pape relève que les règles du libre échange ne
peuvent à elles seules régir les relations internationales, car elles
font que « les peuples pauvres restent toujours pauvres, les
riches deviennent toujours plus riches ». Il demande l’établissement
d’un système juridique international qui fasse la justice dans ce
domaine, et rende les peuples artisans de leur propre développement.
3 – Le devoir
de charité universelle
Il s’agit ici d’éveiller les consciences pour
modifier les comportements individuels :
-
Accueillir les étrangers : leur donner des conditions de
vie décentes, leur permettre de rencontrer des familles dans leurs pays
d’accueil. Une attention particulière est portée aux étudiants et
aux travailleurs immigrés.
-
Dans le droit du travail : que les entrepreneurs traitent
les étrangers avec le même souci de justice que leurs nationaux.
-
Encourager les missions de développement et l’envoi
d’experts pour aider à ce développement ; un appel particulier
est lancé sur ce sujet aux jeunes.
Avec Populorum
Progressio, l’Eglise catholique s’est engagée au plus haut
niveau dans la lutte pour le développement des peuples ; elle
propose un texte de référence qui permet d’alimenter la réflexion
des communautés chrétiennes, qui ne sont pas toujours suffisamment
sensibilisées à cette question, mais aussi à la société française
tout entière. C’est notre monde dans son ensemble qui y est interpellé
et provoqué à trouver des solutions aux dramatiques difficultés dans
lesquelles se débattent aujourd’hui bien des peuples du monde.
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Mise à jour 03/12/2006
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